Singulièrement intraitable
L’intraitable de la jouissance constitue un fil rouge qui parcourt ce livre précis et enseignant. C’est cet intraitable qui force l’invention, dans les psychoses… et dans les névroses.
Agrafes et inventions dans la psychose ordinaire
Alexandre Stevens,
Guy Briole,
Dominique Holvoet,
(sous la direction d’Anne Béraud)
Le Pont Freudien- NLS Quebec, 2017.
°
![]() |
![]() |
![]() |
°
Agrafes et inventions pour l’intraitable
Le concept de psychose ordinaire, forgé par Jacques-Alain Miller[1], a émergé de façon saisissante dans un champ de recherches ouvert à partir de « l’hypothèse continuiste » (titre d’un bel article de Serge Cottet) questionnant la continuité et/ ou la discontinuité entre les structures cliniques.
Agrafes et inventions dans la psychose s’inscrit dans ces pas. De plus, il offre de nouvelles scansions qui rendent sa lecture nécessaire et urgente : de multiples exemples cliniques scandés par des élucidations théoriques magistrales démontrent l’efficace de l’expérience analytique dans le champ de la psychose.
L’effet produit est un renversement de perspective : la clinique de la psychose est à l’origine des avancées de la psychanalyse lacanienne, car « cette clinique a fait apercevoir à Lacan que quelque chose de la jouissance n’est pas négativable »[2]. L’intraitable de la jouissance constitue un fil rouge qui parcourt des textes précis, enseignants, empreints de l’énonciation singulière de chacun des trois auteurs.
Cet ouvrage dessine le tableau vivant d’une psychanalyse renouvelée. Il fait une place essentielle aux tentatives de stabilisations qu’opèrent des sujets non névrosés pour traiter un réel irréductible, sur un mode imaginaire, ou par la production d’agrafes à même le corps (scarifications ou piercing).
Le clivage structural entre psychose et névrose n’est pas abandonné, mais se fond dans une « approche borroméenne, avec les diverses gradations que sont les singularités de chaque sujet, au cas par cas. Ce n’est pas tout ou rien »[3].
L’un des intérêts du livre est d’ailleurs de mettre en perspective différents moments de l’enseignement de Lacan à partir de la lecture de cas classiques freudiens et lacaniens, en faisant valoir une approche du symptôme dans son rapport au signifiant au corps et à la jouissance. Un livre précieux, dont on pourra faire usage préliminaire à tout traitement possible de la psychose… et de la névrose.
Agnès Vigué-Camus
[1] Notamment au fil des trois conversations cliniques UFORCA : Le Conciliabule d’Angers. Effets de surprise dans les psychoses, Paris, Agalma, 1996 ; La Conversation d’Arcachon. Cas rares : les inclassables de la clinique, Paris, Agalma, 1997, La Psychose ordinaire. La Convention d’Antibes, Paris, Navarin, 1998.
[2] Agrafes et inventions dans la psychose ordinaire, p. 191.
[3] Ibid., p. 70.