Confluents n°74 « Exils et Asiles » est un point d’étape pour l’ACF en Île-de-France sur deux grandes questions cliniques et politiques : les migrations et la psychiatrie, sujets de fond qui ne manqueront pas d’occuper le débat citoyen ces prochains mois de campagne présidentielle.
Présentation:
Deux signifiants marquent le lien entre migration et psychiatrie : l’exil et l’asile. Les étrangers qui arrivent sur le territoire français vivent ce statut d’exilés en plein et chaque patient qui arrive à l’hôpital vit une sorte d’exil à lui-même. Pour autant, ce terme d’exil trouve une résonance bien plus large dans la conception lacanienne du parlêtre : l’exilé, c’est chacun de nous, en tant que nous sommes des êtres parlants. La thèse freudienne de l’inconscient a ouvert la voie à ce que nous ne puissions plus nous penser maître en notre demeure et Lacan a fait un pas de plus sur la question de l’étranger que nous sommes pour nous-mêmes. La psychanalyse indique que c’est de cette place d’étranger à nous-mêmes que nous pouvons écouter l’autre, celui qui arrive en France comme celui qui arrive à l’hôpital. Non dans une position charitable ni de savoir à l’avance sur ce qu’il convient de décider, mais bien pour accueillir une parole qui dépasse celui qui parle.
Le réel auquel a affaire aujourd’hui beaucoup de sujets qui quittent leur pays, n’est pas du même ordre que le réel du sujet qui connaît un débranchement dans le cours de son histoire et de son lien aux autres. C’est cette troisième boussole, le réel, qui oriente la clinique lacanienne et dont témoignent les textes parus dans ce numéro 74.
Trois belles conversations sont au rendez-vous ainsi que des textes théoriques et cliniques.
« Le sans-visage, c’est l’abstraction même, la condensation en un signifiant – immigré, réfugié – de la peur que cela génère et justifie la fuite, le détournement du regard là où, si l’on suit Emmanuel Levinas, surgit le visage, l’on se voit imposée la dimension éthique de ce qui engage dans le rapport aux autres. »
Guy Briole
« En Europe, on a augmenté de manière considérable le budget de Frontex, l’agence de garde-frontière de l’Europe. C’est une agence qui a été mise en place en 2006, elle avait un budget de vingt millions d’euros. En 2019, elle a un budget d’un milliard six-cents millions d’euros. »
Christophe Deltombe
« Il y a un paradoxe qui est que ce sont les pays européens qui ont décidé pendant un temps d’abolir les frontières et théoriquement c’est encore le cas mais ils érigent des murs tout autour et on voit réapparaître des frontières entre les pays européens. Le franchissement de la frontière est une chose qui devient de plus en plus difficile alors qu’on considérait qu’il était un acquis. »
Henry Masson
« Comment on fait bord quand on est dans l’entretien avec le patient dans le cabinet d’analyste et sur le plan de l’institution, qui correspond à ce que j’ai essayé de faire valoir. Il y a un préalable à cela, on ne fait pas bord parce qu’on décide de faire bord. On fait bord parce qu’on est psychanalyste, c’est-à-dire parce qu’on est le produit d’une cure analytique. »
Francesca Biagi Chai
SOMMAIRE
« Exils et Asiles »
21Confluents – Automne 2021
Éditorial – Emmanuelle Chaminand Edelstein
I. L’étranger, entre exil et droit d’asile
Anne-Marie Landivaux – La rencontre de l’étranger
Conversation « Comment traiter l’impossible sélection ? Le réel de l’accueil des migrants » avec Christophe Deltombe, président de la Cimade et Guy Briole, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne (15 janvier 2020)
Emmanuelle Chaminand Edelstein – Ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire pour les migrants
Élise Clément – Discontinuités
Henry Masson – À l’étranger qui dérange…
II. Le fou, entre exil et demande d’asile
Alice Ha Pham – Un asile à la folie
Conversation avec Francesca Biagi Chai autour de son livre « Traverser les murs– La folie, de la psychiatrie à la psychanalyse »
Pierre Naveau – « Le passage à l’acte et l’effet sur le sujet des hallucinations verbales – Extrait de « Les psychoses et le lien social – Le noeud défait »
Livia Gaetani – De la croyance délirante à l’inertie dialectique dans la certitude
Marianne Canolle – La poupée parlante
Remerciements