La revue Il particolare, sous-titrée art-littérature-théorie critique, a été créée en 1999 à Marseille.
Pourquoi ce titre emprunté à une langue étrangère (l’italien précisément) : il particolare ? Pour rappeler que toute langue, même celle que l’on dit, non sans pertinence, la langue maternelle, est Autre pour celui qui parle. Dire décentre le sujet des mirages où la prise de la conscience étend sa raison. il particolare inscrit ce qui fait style.
Le style – d’un écrivain, d’un poète, d’un peintre mais aussi d’un théoricien – est inséparable d’un point spécifié de réel – soit ce qui échappe à toute prise du mot, de l’image, de la représentation ou du concept. Précisément, la fonction (et l’usage) du mot, de l’image, de la représentation, du concept est, non point de réduire ce réel, mais de l’épurer, de le mettre aux commandes de l’acte – de l’acte de théorie, d’écriture, de poésie ou de création d’images. Ce réel est cause.
Au titre du style, le poète peut rencontrer le peintre, le philosophe ou le cinéaste. Ce n’est pas une politique de l’œcuménisme, du « il faut un peu de tout pour faire un Monde ». C’est une politique qui veut tirer les conséquences de ces praxis où dire, écrire, donner à voir, théoriser font surgir un réel qui – l’œuvre y fait réponse – produit tel écrivain, tel poète, tel peintre, tel théoricien. C’est, par exemple, Jean Genet (le flamboyant Genet) qui écrit sur Giacometti (le rigoureux et austère Giacometti) : « L’art de Giacometti me semble vouloir découvrir cette blessure secrète de tout être et même de toute chose, afin qu’elle les illumine. » Et le poète d’ajouter : « Au peuple des morts, l’œuvre de Giacometti communique la connaissance de la solitude (« la blessure, singulière, différente pour chacun ») de chaque être et de chaque chose, et que cette solitude est notre gloire la plus sûre. »
Aussi, l’auteur, qu’un nom propre désigne, est moins la cause que l’effet de son œuvre. Une telle formulation sort le rapport auteur-œuvre de l’idéalisme causal qui souvent se retrouve encore ici ou là. Le sous-titre de la revue indique que c’est dans le nouage de ces trois registres, art/littérature/théorie critique, que il particolare trouve son enjeu.
Cette revue publie donc de la poésie – celle pour laquelle il y a urgence à publication –, des textes sur l’art – qui ne se réduit pas à une sublimation esthétique –, des articles de théorie critique – qu’est-ce qui, dans les savoirs constitués (philosophie, ethnologie, etc.), fait aujourd’hui question incontournable ? Elle reproduit des « images », ou des fragments de travaux en cours, d’artistes. Elle n’est pas pour autant une revue « de » poésie pure, ou une revue « d’ » art ou « de » théorie critique. Elle est une revue pour ce nouage qui n’est pas déjà là, mais à produire, à problématiser. Ici, la question du style – du réel qu’il indexe – trouve son impact éditorial.
Sous le titre Pas sans le réel, cet ouvrage exceptionnel est une anthologie de morceaux choisis . Au-delà de tout nouage préétabli, seuls des textes appartenant au champ des théories critiques sont retenus. Cette édition n’est pas un petit bout de la revue. C’est autre chose. C’est aussi un bel ouvrage, magnifiquement illustré par des dessins et des photographies.
Sommaire
Hervé Castanet : Prologue
Jean-Pierre Cometti : L’étoffe est politique
Jean-Luc Nancy : L’image : mimesis & methesis
Dino Commetti: Cézanne et le rêve de l’art : la pendule noire
Jean-François Lyotard : Sur la constitution du temps par la couleur dans le Paradigme du Bleu Jaune Rouge d’Albert Aymé
Henri Meschonnic : 15 poèmes extraits de « L’obscur travaille »
Olivier Rebufa : Porte-folio (accompagné d’un texte d’Hervé Castanet)
Guillaume Le Blanc : Le débordement du sujet selon Michel Foucault
Isabelle Koch : La « monnaie de Dieu » – sur le statut de l’être créé chez saint Augustin
Directeur de la rédaction : Hervé Castanet
Co-directrice, rédactrice : Françoise Santon